Bousculés dans leurs pratiques par les nouveaux formats imposés par la presse en ligne et par l’intervention des internautes, les journalistes doivent négocier un virage délicat afin de passer de « l ‘ancien monde » papier au « nouveau monde » numérique. Réunis pour en débattre le 2 juin 2008, Pascal Riché (Rue89), Edwy Plenel (Mediapart), Elizabeth Lerminier (France 5), Jean-Luc Marty (Géo), Arnaud Mercier (université de Metz – CNRS) et Jean-Michel Besnier (Paris-IV – Sorbonne) ont souligné les enjeux économiques et démocratiques de ce bouleversement qui impose aux journalistes de s’emparer du Web.

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Pascal Riché, Jean Sylvestre, Elisabeth Lerminier et Edwy Plenel

Passé par l’expérience du blog avant de cofonder Rue89, Pascal Riché s’est rendu compte « qu’il y avait des moyens de faire un journalisme très différent et qui épouse beaucoup plus cette culture d’Internet, qui est une culture d’abord de l’échange, du lien. C’est aussi un univers dans lequel on n’est pas seulement récepteur mais on peut émettre des infos ». Pour autant, si « les internautes ne veulent pas être journalistes », ils sont la pierre angulaire de ce qu’Edwy Plenel appelle « l’avènement du média personnel ». Cette mutation s’accompagne d’un changement dans « la notion même d’article. Avant, c’était un produit fini, dans le sens industriel du terme. Aujourd’hui, c’est un processus », analyse Pascal Riché. Jean-Luc Marty s’interroge, lui, sur le meilleur moyen de structurer l’information au sein d’un média encore largement dominé, selon Arnaud Mercier, par « une logique de flux ». Tout le monde tâtonne, cherche son modèle économique (gratuit, payant, hybride) et la meilleure façon de construire sa relation avec ses internautes. « Jusqu’à aujourd’hui, le journaliste était l’intercesseur, le trait d’union, l’intermédiaire pour le citoyen », explique Edwy Plenel. S’il ne donne pas l’information, l’internaute ira la chercher ailleurs en disant en substance : « Vous ne voulez pas m’entendre, vous ne voulez pas m’écouter et bien je me passerai de vous. Cela remet le journaliste à sa place, celui-ci n’a pas le monopole de l’expertise, de l’opinion, de la pensée ». Les journalistes qui sauront appréhender le Web réussiront à explorer un « nouveau territoire » où ils devront maîtriser plusieurs compétences (écrit, son, images, vidéo), inventer d’autres formes de narration. En proposant une information mieux adaptée au sujet traité, en préservant l’enjeu démocratique de l’information, les journalistes pourront répondre à la demande des gens d’avoir des médias indépendants.